3 avril 2008

"Descendance" de Graham Masterton

Mill Valley 1943. Deux officiers de l’armée américaine se présentent chez James Falcon, auteur d’un article intitulé « Les Strigoï : mythe contre réalité dans les traditions populaires en Roumanie ». Ils lui font part de massacres très étranges qui touchent les groupes de résistances locaux sur le front Est, en Hollande, en Belgique et en France. Toutes les victimes ont été éventrées, leurs artères principales sectionnées, et le sang entièrement vidé de leur corps. L’armée a besoin de James Facon et de ses connaissances.
Anvers 1944. Depuis son débarquement en Normandie, James traque les Stigoï et les élimine. Pourtant, le redoutable Dorin Duca lui échappe.
Bruxelles 1945. James reçoit un télégramme lui annonçant la mort de sa mère. Il doit rentrer aux Etats Unis. Sa guerre est terminée…Pour l’instant.
New Milford 1957. Deux officiers du MI6 lui demandent de revenir en Europe. Ce qu’ils lui révèlent concerne Dorin Duca, mais aussi sa mère…Aidée par la sublime Jill Foxley, il commence une nouvelle traque.

Graham Masterton aime apporter sa propre vision de religions anciennes, de légendes ou proposer une relecture de romans célèbres. Avec « Descendance » il s’attaque avec succès au mythe du vampire et au Dracula de Bram Stoker.
Le rythme est très soutenu, les chapitres courts, le livre se dévore à pleines dents !
Masterston, sans livrer son meilleur roman, prouve s’il en était encore besoin, qu’il demeure un maître de la littérature d’horreur. Sans quasiment jamais utiliser le mot « vampire », il réussit le tour de force de nous étonner encore avec une histoire qui pourrait sembler n’être qu’une énième resucée de Dracula.

« Descendance » fourmille d’idées et de détails apportant du « sang » neuf : l’utilisation des Strigoï par les nazis pour détruire la résistance, les chiens limiers affublés d’une paire d’yeux supplémentaires peintes sur leur tête et qui aident à la traque des Strigoï, les modalités de destruction de ces derniers. On découvre ainsi pourquoi la mallette de Falcon contient une bible à la couverture sculptée dans du frêne, un crucifix en argent, une flasque d’huile bénite, des menottes en argent pour pouces et gros orteils, un fouet constitué de fils d’argent tressés, une scie chirurgicale, un flacon de grains de moutarde, deux petits pots de peintures.

Si le roman reprend les grandes lignes de Dracula (par exemple, la traque rappelle celle de Van Helsing et on retrouve un vampire marqué par la perte de sa bien aimée), il s’en démarque aussi par son traitement. Le roman s’étire sur plusieurs décennies et surtout il s’attache plus à nous faire découvrir l’homme qui se cache derrière l’impitoyable chasseur de Strigoï. Au fil du livre, on découvre son histoire, ses origines et on comprend mieux sa motivation. Enfin, déjà bluffé par l’histoire, Masterton nous achève avec ce final surprenant, qui vous prend aux tripes et qu’on ne pouvait soupçonner…


Ed. Bragelonne - 2008


2 avril 2008

« Othon ou l’Aurore Immobile » de Nicolas d’Estienne d’Orves


Que s’est-il passé ce matin du 14 juin 2012, à 5h51 très précisément ? Pourquoi les vieillards sont-ils devenus, pour la plupart, des délinquants et des terroristes ? Pourquoi la peine de mort a-t-elle été rétablie, les exécutions rendues publiques et diffusées massivement sur les téléviseurs français, assouvissant l’engouement morbide du peuple ? Pourquoi le gouvernement a-t-il fait adopter une loi anti-natalité obligeant chaque foyer à n’avoir qu’un seul enfant ? Pourquoi l’Histoire est-elle devenue la seule science et le seul centre d’intérêt pour toute la nation ? Pourquoi les voyages vers les pays étrangers sont-ils maintenant impossibles ? Pourquoi le pays vit-il sous la lueur d’un « soleil de minuit » ? Figé lors de son ultime levé pour l’éternité, l’astre solaire ne traversera-t-il plus jamais le ciel ?

Enfin, pourquoi Etienne Bressoud, assistant correcteur dans une grande maison d’édition, se voit-il investi d’une mission d’importance ? Ecrire la biographie d’Othon Athanaric Sempronius, chef de l’Etat incontesté depuis des années…


Premier roman de Nicolas d’Estienne d’Orves, « Othon ou l’Aurore Immobile » est un petit bijou de science-fiction. Basée dans un futur proche, l’histoire nous présente une France bouleversée par un événement irrémédiable, ayant entraîné des conséquences troublantes pour le pays et sa population, la divisant pour les années à venir en castes ; d’un côté les permanents, de l’autre les évolutifs. En même temps qu’à Etienne, l’auteur nous offre un petit cours d’histoire. Nous remontons à ce moment où Othon Sempronius apprend que quelque chose va se passer. Quelque chose de terrible, un grand bouleversement qui va changer la vie aussi bien dans notre pays qu’à l’étranger, mais là avec des résultats encore plus effroyables. A travers les propos du chef de l’Etat, les événements nous sont révélés, répondant aux diverses questions que nous pouvons nous poser sur l’évolution de la vie, tout en créant d’autres troubles. Les réponses amenant d’autres questions et ainsi de suite. Mais la question la plus déstabilisante, celle à laquelle nous n’arrivons par à apporter de réponse ni même un semblant de supposition, est pourquoi Etienne semble tant intéresser Othon et sa fille Ovidia ? Que cachent-ils ? Car les pensées et les objectifs de ce duo énigmatique, restent camouflés derrière un brouillard impénétrable. Est-ce seulement une sorte de paranoïa qui s’empare d’Etienne ou Othon et Ovidia ont-ils réellement des intentions mystérieuses à son endroit ?

Tant de questions dont nous sommes assaillis durant toute la lecture de ce roman.


« Othon et l’Aurore Immobile » est un roman très prenant, d’une grande originalité, jouant sur l’illusion, plongeant aussi bien ses personnages que le lecteur, tantôt dans le monde réel, tantôt dans l’irréalité, la frontière entre les deux s’amenuisant de plus en plus au fil des pages. Entre temps imaginaire, figé et temps réel tel que nous le connaissons, la confusion s’installe ne nous lâchant plus, même lorsque nous refermons ce livre. Ce jeu de dupe n’est-il pas déjà en train de se dérouler ? Qu’est-ce qui est réel finalement ?



Ed. Le Grand Cabinet Noir – 2002

1 avril 2008

« Le Bois de Merlin » de Robert Holdstock


Au loin, l’orage gronde, mais Martin n’en a cure. Il suit la charrette qui transporte sa mère vers sa dernière demeure. Rebecca n’est pas là. Elle était pourtant devenue la favorite, celle sur qui Eveline déversait son affection après la mort de Sébastien. Revenu pour accompagner sa mère dans ce dernier voyage, plus rien ne retient Martin à Brocéliande. Eveline l’a d’ailleurs prévenu dans sa dernière lettre « Je n’aurai pas besoin de toi à la ferme lorsque je partirai finalement pour le dernier voyage. Il serait préférable que tu évites le danger et que tu restes dans la ville où tu t’es construit une si belle existence. » et Martin n’a pas l’intention de s’installer à Brocéliande, le lieu renferme trop de souvenirs douloureux. Il ne restera que quelques jours afin de régler les questions administratives.

Quatre jours après l’enterrement, Martin aperçoit une silhouette accroupie devant la tombe. C’est Rebecca, elle regrette d’être arrivée trop tard mais son retour au pays la comble de joie. Les chants et la verdure lui manquaient. Le retour de sa “sœur”, jeune fille fragile adoptée par Eveline avant la perte de son plus jeune fils, va changer beaucoup de chose pour Martin. Finalement il décide de rester avec elle, s’installant ensemble à la ferme avec l’espoir de fonder une nouvelle famille.

La forêt de Brocéliande cache un terrible secret. Dans ces bois il est un lieu où la magie prend sa source. Un endroit où le temps n’est plus réel, passé et présent se mêlant. Une clairière où la fée Viviane a enfermé, en des temps reculés, Merlin.

De l’union de Martin et Rebecca va naître un enfant. Malheureusement l’enfant vient au monde sourd et aveugle. Mais l’influence de la forêt est là. En grandissant, les sens de Daniel vont miraculeusement se développer, tandis que ceux de Rebecca s’amenuisent de plus en plus. Qu’est ce qui relie la famille Laroche au conflit entre les deux magiciens ? Quel est ce sortilège qui s’acharne sur Rebecca et Daniel ?


« Le Bois de Merlin » se compose de trois parties. Trois histoires sur le thème de la magie et de la « subtilisation du pouvoir » : les enfants qui  s’accaparent l’espace d’un instant la magie des fantômes qui circulent sur le chemin ; le petit Daniel qui petit à petit se nourrit de la magie de sa mère, lui volant ses sens ; Viviane qui depuis des temps immémoriaux poursuit Merlin, cherchant à s’approprier les enchantements du magicien.  Trois histoires déroutantes emplies de tromperie, de ruse, d’illusion, des moments pleins de magies mais aussi de destruction.

« Le Bois de Merlin » c’est un monde qui aurait pu, potentiellement, exister si les anciennes croyances n’avaient pas été oblitérées par le christianisme. Ce roman, racontant l’histoire d’une famille contemporaine, se situe sur la brèche entre le monde que nous connaissons et celui des mythes. Au fil de l’intrigue, l’auteur revisite la légende de Merlin, l’ancre dans notre quotidien, et donne ainsi une autre dimension à ce mythe et au mystère qui entoure la forêt de Brocéliande.

« Le Bois de Merlin » c’est aussi une histoire de possession et de meurtre. Robert Holdstock transpose un conflit vieux de plusieurs siècles dans une famille tout ce qu’il y a de plus normal. Faisant s’abattre la terreur et la douleur sur trois personnes. Un drame va se produire, généré par la convoitise.

« Le Bois de Merlin » c’est enfin une réflexion sur le besoin de savoir, ce besoin d’assouvir absolument notre curiosité, qui peut entraîner des conséquences pouvant se répercuter à travers le temps.


Prenant appui sur la légende de Merlin et de la fée Viviane, Robert Holdstock ne fait ni plus ni moins qu’une critique de l’homme.

Convoitise, envie, possession, subtilisation, sont des thèmes qui se rapportent à la nature profonde de l’être humain, et durant toute la lecture nous sommes renvoyés en nous-même.


« Le Bois de Merlin », alliant fantasy, mythe et réalité en s’inscrivant dans notre époque, est un conte empli de noirceur. Laissez-vous happer par les bois enchantés de Brocéliande et laissez le charme agir. Un terrible secret se cache dans la clairière au-delà du lac...




« Les vents étaient paisibles, bien qu’orage approchât.

Au cœur de Brocéliande, dans les sauvages bois,

Devant un chêne creux, ancien, démesuré,

Semblable à une tour de lierre érigée,

La rusée Viviane s’était installée :

Aux pieds de Merlin, elle était allongée… »




Ed. Le Livre de Poche – 1994

29 mars 2008

"La Fée Carabine" de Daniel Pennac

« C’était l’hiver à Belleville et il y avait cinq personnages. Six, en comptant la plaque de verglas. Sept, même, avec le chien qui avait accompagné le Petit à la boulangerie. »

Il s’en passe des belles à Belleville !
L’inspecteur Vanini est l’une des six personnes présentes autour de la plaque de verglas. Alors qu’il veut aider une mamie à franchir celle-ci sans encombre, elle sort un P38 de son sac à commission d’où dépasse un poireau et le « transforme en fleur ». En d’autres termes, elle lui explose la tête puis poursuit son chemin...Y’a-t-il un rapport avec les meurtres non élucidés de vieilles femmes retrouvées égorgées ?
Une femme est balancée dans la Seine du haut d’un pont. Le hasard veut qu’elle tombe sur une péniche transportant du charbon. La jeune femme a au préalable été torturée. Dans le coma, elle ne peut témoigner.
Enfin, les vieux de Belleville sont devenus des vrais toxicos. Benjamin Malaussène s’occupe non seulement des enfants que sa mère s’obstine à faire, mais aussi des vieillards les plus drogués de la ville. Lui, le bouc émissaire professionnel payé pour endosser les erreurs des autres, va se voir suspecter par l’inspecteur Pastor chargé de ces enquêtes et connu pour avoir une technique infaillible mais inconnue de tous pour faire avouer les suspects les plus récalcitrants.

« La fée carabine » est le second roman de la série racontant les aventures de la famille Malaussène chère à Daniel Pennac.
Si le contexte général s’apparente à un polar, le ton et l’humour, parfois noir, lui donnent un cachet supplémentaire, une « patte » tout à fait originale. Le style d’écriture de Pennac est très original, vif, gai, moderne au service d’un récit rondement mené.
Toutes les petites histoires semblent indépendantes. Puis, peu à peu, les protagonistes se rencontrent, se croisent sans se voir et les pièces du puzzle s’imbriquent peu à peu pour former un tout que l’on ne soupçonnait pas.
On est parfois désarçonnés par les inventions de Pennac. Ces vieillards aussi shootés que des gamins mettent un peu mal à l’aise. Comment en sont ils arrivés là ? Le boulot de Benjamin Malaussène est une trouvaille très originale. Mais on se rend compte qu’il endosse finalement officiellement le rôle que jouent, hélas, certains dans leur société, leur famille ou leur vie.
Parfois on frôle même le surréalisme avec la scène d’ouverture ou celle du serbo-croate qui conduit chaque semaine les mamies vers une destination ô combien étonnante.

Surprenant au premier abord, surtout lorsqu’on découvre l’univers et le style de Daniel Pennac, « La Fée Carabine » est un petit bijou d’humour, d’inventivité et qui réserve jusqu’aux dernières lignes de bien belles surprises.



Ed. Folio - 1987



27 mars 2008

"The Dirt" de Mötley Crüe et Neil Strauss

L’édition francophone de « The Dirt », biographie de Mötley Crüe, groupe emblématique des années 80, a mis quelques années à être traduite dans notre beau pays. Nous pouvons enfin savourer « The Biography », dans la langue de Molière.
On peut regretter sa parution tardive chez nous mais aussi le changement de couverture : la bouteille de Whisky a disparu au profit de la trombine de Tommy Lee, bien connue des ménagères de moins de 50 ans et des lectrices de Voici suite à ses (més)aventures avec Pamela « Baywatch » Anderson (marketing oblige !). La traduction est parfois limite, il subsiste pas mal de coquilles. Mais ne boudons pas notre plaisir : « La crasse » est une biographie culte, indispensable aux fans du Crüe mais aussi à ceux qui sont passionnés par l’histoire du Rock’n’Roll. Le slogan « Sex, Drugs and Rock’N’Roll » a du être inventé pour ce groupe tant ils en étaient l’incarnation vivante.

Que de chemin parcouru entre la première page, très très crue (Crüe !!) et la dernière où Tommy Lee (qui à l’époque a quitté le groupe) et Nikki Sixx se croisent par hasard dans une école et se rendent compte que leurs enfants sont scolarisés au même endroit !!!
Aucun détail, aussi sordide soit-il, ne nous est épargné…Ce livre est donc fortement déconseillé aux âmes sensibles.
Sur la forme, chaque chapitre est écrit par un membre du groupe ou une personne gravitant dans leur univers : certains faits sont donc abordés sous différents angles et les versions différent même parfois. Cette démarche rend le livre très vivant et nous projette vraiment dans l’histoire du groupe.

The Dirt nous relate donc la rencontre de 4 fortes personnalités, Nikki Sixx, Tommy Lee, Vince Neil et Mick Mars, la formation de Mötley Crüe et les « processus » de création de chaque album...Mais au-delà de cet aspect artistique, il y aussi la face cachée de ces rock stars, les fêlures cachées derrières les maquillages et les cuirs. On peut sourire de leurs frasques sexuelles avec des filles faciles ou leurs copines du moment mais certaines anecdotes provoquent aussi de la gêne, du dégoût, de la pitié…
Pendant des années, ils ont traîné la même cuite, alimenté leur corps de toutes les substances qui leur passaient sous la main, devant le nez ou dans les veines jusqu'à provoquer des drames. Razzle, batteur d’Hanoï Rock en a fait les frais…La voiture conduite par un Vince Neil aussi éméché que lui, va faire une sortie de route dont il ne réchappera pas. Vince fera un séjour à l’ombre, tout comme Tommy plus tard. Pour ce dernier, Nikki prendra régulièrement des nouvelles et lui rendra visite alors que pour Vince, aucun des membres ne daignera aller le voir… Ceci montre bien les tensions qu’il a pu y avoir au sein de ce groupe : départs, retours, prises de becs, cassages de gueules…
Les overdoses et les cures de désintoxication vont rythmer leur parcours.
Mais il y a aussi des moments de pure émotion voire bouleversants : la mort de Skylar, la fille de Vince emportée à l’âge de 6 ans par un cancer ; Mick Mars qui décrit la maladie qui le ronge ou sa tentative de suicide dans la mer alors que ses potes font une beuverie à quelques mètres de lui ; l’absence du père de Nikki qui longtemps va lui pourrir la vie et expliquer en partie sa déchéance morale et physique, les mensonges de sa mère qui l’ont empêché de connaître sa sœur et qui est morte quasiment le jour où il devait la rencontrer pour la première fois…

Ce livre est donc une petite merveille Trash. Il ne s’agit nullement de grande littérature mais des témoignages sans concession d’une époque révolue, de rock stars ayant vécu des processus d’autodestruction. Sa lecture permet vraiment de comprendre la démarche artistique de Nikki Sixx, la pierre angulaire de Mötley Crüe, et ses textes prennent une autre dimension car ils sont ancrés dans son vécu. Ils sont les exutoires de sa folie, de sa haine, de sa violence, de ses peurs, de ses amours…Son « Heroïn Diaries » déjà publié aux Etats-Unis et adapté sous forme de concept album absolument indispensable dans le projet Sixx A.M. nous en apprend encore plus sur le personnage et ses années passées dans l’enfer de la drogue.


Ed. Camion Blanc - 2002

26 mars 2008

« L’Equation Bogdanov » de Lubos Motl


La tempête autour des frères Bogdanov commencera en 1999 lorsque Grishka présentera sa thèse sur les « Fluctuations quantiques de la signature de la Métrique à l’échelle de Planck » (c’est bon vous pouvez respirer). Par la suite elle ne fera que s’amplifier, surtout lorsque les jumeaux publieront divers articles, dans les meilleures revues de physique théorique, sur l’origine de l’Univers. Le monde scientifique prendra ces articles pour des canulars. Mais face à l’obstination d’Igor et Grishka, les experts vont s’enflammer

Aujourd’hui, un de ces experts, Lubos Motl, professeur de physique théorique à Harvard et chercheur réputé en théorie des Cordes, revient sur la découverte faite par les frères Bogdanov, et analyse leur travail. Leur théorie apporterait des solutions nouvelles face à la grande problématique de l’origine du temps et de l’espace. Existait-il quelque chose avant le big bang ? Existerait-il un code cosmologique, équivalent à notre code génétique ?


Contrairement à ce que beaucoup pourraient penser, ce livre est très abordable. Moi-même je ne suis pas férue en sciences, voire assez hermétique, pourtant je me suis plongée dans ce livre avec délectation. Lubos Motl présente toute la théorie en terme simple afin de s’adresser au plus large public possible.

« L’Equation Bogdanov » se découpe en plusieurs parties, nous familiarisant petit à petit avec le monde scientifique. Dans les trois premiers chapitres, l’auteur offre une petite introduction sur l’origine du big bang, suivie d’un historique de la physique. Nous pouvons retrouver des noms connus tels que Galilée, Newton, Einstein dont la vie et surtout ses déboires devant l’incompréhension de ses futurs pairs sont développés.

Lubos Motl profite de ces chapitres pour nous introduire certaines théories majeures : l’échelle de Planck, la théorie de l’information, la relativité, la physique quantique, la gravité, etc.

Jusque là tout va bien, même le profane prend plaisir à découvrir ce monde qui semble pourtant si complexe. A travers les pages, l’auteur offre des exemples concrets de notre quotidien pour nous montrer jusqu’à quel point la physique est présente dans notre vie de tous les jours.

A partir du quatrième chapitre, Lubos Motl nous fait entrer dans son domaine de prédilection, celui de la théorie des Cordes et supercordes (ne me demandez pas de vous expliquer en détail en quoi consiste cette théorie, mais imaginez que toutes les particules qui nous entourent soient des objets à une dimension, ressemblant à des filaments minuscules, dont la longueur ne dépasserait pas l’échelle de Planck, donc vraiment tout petit petit). Dans cette partie, le professeur nous explique d’où vient cette nouvelle théorie, les révolutions qu’elle entraîne dans le monde de la physique et en quoi elle a été utile aux frères Bogdanov pour apporter leur solution à l’avant big bang.

Arrivé au cinquième chapitre, nous avons tous les outils en main pour comprendre maintenant l’équation Bogdanov. Le dernier tiers du livre est consacré à cette fameuse théorie développée depuis 1999. Malgré les avertissements de l’auteur, « Si vous vous sentez un peu perdu au milieu des détails techniques abordés dans ce chapitre, vous pouvez passer directement au chapitre suivant… », nous sommes bien trop curieux pour sauter les dites pages et continuons à suivre le développement et les explications du professeur. Je ne cache pas que certains passages sont encore obscurs et méritent une deuxième lecture. Aucun lecteur, et moi la belle première, à l’exception de ceux qui baignent déjà dans la physique, ne peut s’improviser scientifique du jour au lendemain. La compréhension des propos du professeur Lubos Motl, ne peut donc se faire du premier coup.

Dans sa conclusion, l’auteur propose de nouvelles pistes de réflexion, ouvrant vers de nouvelles questions sur l’origine de notre Univers, des questions scientifiques, philosophiques et théologiques.


« L’Equation Bogdanov » n’apporte pas la grande réponse sur ce qu’il pouvait y avoir avant le big bang. A mon sens, ce livre est une très bonne introduction pour quiconque voudra par la suite se plonger dans les livres d’Igor et Grishka. Un ouvrage absolument passionnant. Comme je vous le disais plus haut, je ne suis pas vraiment portée sur les sciences et pourtant j’ai eu énormément de mal à lâcher cet essai avant la fin.




Ed. Presses de la Renaissance – 2008

25 mars 2008

« La Dérive des Incontinents » de Gordon Zola


Paris est sous les eaux. Le climat se détraque. Il pleut à verse et à torrent depuis des jours sur la capitale, les riverains se retrouvant les pieds mouillés jusqu’aux genoux. La Seine est en crue, qui l’eut cru, cela ne s’était plus vu depuis 1910, et là elle se répandait sans vergogne sur les berges. Personne n’avait écouté les prévisions. Pourtant ce n’était pas faute d’avoir été prévenu, le réchauffement climatique est bien une réalité, et voilà le résultat !

C’est durant cette période où l’anti-cyclone fait défaut sur la France, que la dépression guette. Le professeur Arsène Dejonye est retrouvé pendu à Meudon. Pour Hercule Comenvetu, commissaire divisionnaire du Quai des Orfèvres (qui ne ressemblait plus trop à un quai à ce moment là…), cela ne fait pas de doute, il s’agit d’un suicide. Quand le temps se gâte c’est la déprime. Pourtant le commissaire Guillaume Suitaume ne le voit pas de cet œil là, le pauvre bougre de scientifique a été énuclé avant sa pendaison à son optique. Rien n’y fait, Comenvetu veut son profileur sur une autre enquête. Greta Pan, la femme de l’éminent scientifique Amédée Pan, est aux aboies. Son mari aurait reçu des lettres de menace de la part d’Alliance, un groupe terroriste écologique. Que de perturbations dans le monde des climatologues. Cette nouvelle affaire va entraîner le plus célèbre des commissaires dans une aventure dangereuse et fantasmagorique.


Après « C’est pas sorcier, Harry ! », Gordon Zola, maître incontesté du polar poilant, s’attaque à une nouvelle question d’actualité : le réchauffement climatique. Son héros se retrouve cette fois-ci face à un groupe d’écologistes totalement sur orbite. La Bretagne va être victime d’un raz de marée titanesque, reléguant l’Atlantide au rang d’amatrice. Une plate-forme risque de disparaître dans les flots. Des scientifiques sont assassinés. Avec son style reconnaissable entre mille, l’auteur tient vaillamment la barre et nous entraîne dans une intrigue pleine de rebondissements. Nous plongeons dans ce roman fleuve au flot verbal tumultueux. Entre jeux de mots et contre pétries, l’intrigue file, tenant son cap. A aucun moment l’embarcation ne prend l’eau. Ce n’est pourtant pas ce qu’il manque dans cet ouvrage… de l’eau bien sûr. Et jusqu’au bout, le frêle esquif tient bon pour nous amener jusqu’à la révélation finale.

A ceux, dont le pied marin fait défaut, tenez-vous bien au cordage. Ca gîte, ça tangue, l’écriture est tempétueuse avec un humour qui fuse, se diffuse, refuse de voir cette histoire s’enfoncer dans une narration insipide et plate. Vous l’aurez compris, Gordon Zola, prend toujours autant de plaisir à jouer avec la langue française.

Ce roman est un pur plaisir autant qu’un pur délire. L’intrigue est rondement menée, nous amenant finalement à nous poser des questions quant à la tournure que prend le climat actuellement. Et oui, on peut faire dans l’humour tout en ouvrant l’esprit du lecteur sur une préoccupation très actuelle.


« La Dérive des Incontinents » est le roman de ce printemps, période de giboulées et de fonte des neiges. Oubliez la grisaille et le froid, prenez une bonne dose de bon humour et de bonne humeur, le bon docteur Zola vous offre son remède anti-morosité pour réattaquer du bon pied avant l’été. A prendre avec un grand verre d’eau !

Attention à ne pas dépasser la dose prescrite, risque d’effets secondaires et de dépendance.



Ed. Le Léopard Masqué - 2008

« Les Suppôts de Sitoire » de Gordon Zola

Pour sa mille neuf cent soixante quatrième enquête, le commissaire Guillaume Suitaume, accompagné de sa fidèle et pulpeuse assistante Purdey Prune doit résoudre une affaire bien étrange (de rosbif ou de cake si la viande ne vous sied point au teint ou aux intestins).
Dans la petite église de Saint-Rémy-des-Burettes, la pieuse Régine Sanselle découvre le corps d’Emile Assourdine, empalé sur un des tuyaux de l’orgue et amputé des deux mains (ne pas lire amputé dès demain, sinon la phrase n’a aucun sens). L’enquête montre que c’est en appuyant sur la touche « ré » que l’assassin a écourté le supplice (connu pour finir plus mal qu’il ne commence !). Ce « ré » non publique (puisque sans témoin) a agi comme un souffle impétueux dans le fondement du pauvre homme. Résultat, une explosion des organes internes (pas si ternes finalement si on en croit la texture rougie de la peau).
Puis vient un second meurtre. Abdel Hélabeth est retrouvé pendu sous le pont de l’Alma. Celui qui tient compagnie au zouave pendant quelques instants a perdu pieds. En d’autres termes, le tueur a pris le sien en les lui coupant.
Nicolas Hépimprenel, ministre de l’intérieur veut le coupable et vite, les élections se rapprochant.
Guillaume Suitaume, l’homme qui a résolu « l’affaire des nouilles encore ! », saura t’il résoudre cette sombre énigme, retrouver les morceaux manquants et rester insensible aux formes généreuses de Purdey Prune (car zut, on a beau être le meilleur flic de France on en reste pas moins homme, même si l’attribut de la victime pendue peut donner des complexes et diminuer les (h)ardeurs) ?

Voici donc enfin relatées les enquêtes calembourdesques du commissaire Suitaume. Gordon Zola, l’auteur à qui il ne reste plus que mille neuf cent soixante trois enquêtes à nous conter (courage Gordon !!), nous livre un véritable festival de jeux de mots, de calembours et ça contrepète dans tous les sens (pensez à aérer quand vous lisez !).
Certains passages ou noms de personnages nécessitent parfois plusieurs lectures pour en saisir la quintessence humoristique. J’ai bien peur d’être passé au travers de certains bons mots, pourtant j’étais à l’affût tel le commissaire qui scrute le gars.
N’oublions pas non plus, qu’au-delà de ce petit chef-d’œuvre d’humour, il y a une véritable intrigue policière (si si je vous assure) et que, finalement, quand on y pense…voilà j’ai fini de penser, elle tient autant la route que celle de romans dits sérieux (monsieur Dan Brown, pas la peine de regarder dehors, c’est à vous que je parle !).
Le roman possède une véritable ligne directrice puisqu'il débute par un Pro(cto)logue, nous introduit (moins violemment cependant que le sus-nommé Abdel) l'abbé Fayot et se termine par un chapitre intitulé "La Communauté de l'Anal". Difficile de faire plus cohérent!
On ressent vraiment le plaisir d’écrire et de jouer avec les mots que possède Gordon Zola. On peut même y voir un digne héritier de Allais, Dac, Desproges, Coluche, Dard, Devos et consorts (comme diraient les strip-teaseuses Sylvie Etendu et Armelle Acapote).
C’est avec un sourire constamment greffé au visage (pas de rejet, bravo au chirurgien) ou secoué par des spasmes esclaffateurs (on peut inventer des mots non ?) que nous parcourons cette histoire ni sotte ni grenue. Cet ouvrage remplit également son devoir de "culturer" son lectorat. Nous découvrons ainsi le restaurant « la Poule qui Mue » (personnellement je pensais qu’il était situé « Rue de la Paix »), l’azur phosphorescent (haut lieu de plaisirs raffinés) ou des accès inconnus menant aux catacombes (ne pas confondre avec les cacas tombes autre nom des déjections canines qui en ont ruiné des paires de mocassins à glands).

En ces temps moroses, qu’il est bon de se plonger dans de tels livres qui relèvent de l’utilité publique. Il en va de la sauvegarde de la nation !
Médecin à mes heures perdues, suivez mes prescriptions : en cas de déprime, de vague à l’âme, j’ordonne Zola !


Les Editions du Léopard Masqué – 2004

24 mars 2008

Un nouveau chroniqueur

Amis lecteurs, les chroniques prenant de plus en plus d'importance, un nouveau chroniqueur vient me rejoindre sur votre blog préféré.
Ce passionné sévissait déjà sur "Decipherium", mais sa plume n'y était pas consultée à sa juste valeur. Decipher viendra désormais ici, pour vous offrir ses impressions sur ses diverses lectures :).

Les Chroniques d'Arlis se composent désormais d'un duo de choc, pour plus de chroniques, plus de news, toujours plus pour vous dévoreurs de livres.

Et très bientôt le blog connaîtra une grande évolution ! Mais là, ce sera une autre histoire ;).

Arlis

« Train d'Enfer Pour Ange Rouge » de Franck Thilliez

Depuis six mois, Suzanne, la femme du commissaire Franck Sharko a disparu. Un soir elle quitte le laboratoire expérimental dans lequel elle travaille, mais ne regagnera jamais le domicile. Depuis, son mari vit dans l’attente, l’angoisse, la peur de ne jamais la revoir vivante…
L’affaire qu’il se voit confier, va le faire plonger au plus profond des ténèbres. Le cadavre d’une femme est découvert. Son corps nu est suspendu à deux mètres du sol par huit crochets enfoncés au niveau des omoplates, des lombaires, des cuisses et des mollets. Sa tête a été coupée et posée sur le lit, sa bouche maintenue ouverte par des morceaux de bois, ses yeux énucléés puis remis dans les orbites de façon à les orienter vers son corps, les draps arrangés artistiquement autour du crâne.
L’enquête de Franck Sharko le mène à découvrir un monde sordide dont il ne soupçonnait guère l’existence malgré son métier. Un monde où la perversion, la douleur, la torture mais aussi la mort se monnayent. Un monde dont un des acteurs est cet Homme sans Visage qu’il traque. Un monde dans lequel il n’espère pas retrouver sa femme disparue. Pour s’échapper quelques instants, pour trouver une ambiance apaisante, il peut compter sur Poupette, une locomotive miniature dont le chant des pistons, bielles et manivelles l’emporte loin de « sa vie devenue noire comme le schiste ».

« Train Rouge Pour Ange Rouge » est le tout premier roman de Franck Thilliez. On y trouve déjà cette ambiance sombre et ce climat oppressant qui sont quasiment devenus sa marque de fabrique. Il y présente déjà son écriture au scalpel et un découpage cinématographique qui ne peuvent qu’attirer les metteurs en scène en mal de scénario ! Cependant, contrairement aux romans qui suivront cette première œuvre, on note que l’auteur n’a pas encore totalement développé ce sens du suspense où il nous laisse pantelant à la fin de chaque chapitre comme c’est le cas dans « La Chambre Des Morts » ou « La Forêt Des Ombres ».
Pour autant, il ne nous ménage pas et ne nous épargne aucun détail lors de scènes qui pourraient choquer les lecteurs non avertis. Ce sens du détail se retrouve dans la description des personnages principaux ou secondaires. Malgré son caractère très dur et son côté flic anti-conformiste, on s’attache réellement à Franck Sharko. Nous vivons vraiment son enquête dans les bas fonds de l’âme humaine et partageons sa peur viscérale de ne jamais revoir le sourire de sa belle.
Nous voulons connaître la vérité, l’identité du tueur, comprendre le titre du roman…mais nous redoutons aussi de découvrir cette vérité tant le contexte ne nous laisse que peu d’espoir d’une fin heureuse. C’est là tout le talent de l’auteur : nous prendre à la gorge dès le début et ne nous laisser prendre que quelques insufflations pour nous mener inexorablement au final. C’est d’autant plus impressionnant pour un premier roman ! De plus, à aucun moment ne se dégage une impression de « déjà-lu ». Un thriller tout simplement indispensable.

Cette exploration d’un univers glauque fait d’autant plus froid dans le dos qu’elle est issue d’un travail de recherche et de documentation long d’un an. Franck Thilliez conclut son avant-propos par ses mots : « …je voudrais vous mettre en garde contre ceci : bien souvent la réalité dépasse la fiction ». Ou comment nous donner des sueurs froides et nous mettre en garde contre la noirceur de l’homme.



Ed. Pocket – 2003

20 mars 2008

« Le Démon et Mademoiselle Prym » de Paulo Coelho


Le paisible village de Bescos abrite 281 habitants. Tous vivent dans une certaine harmonie, les journées rythmées par les travaux agricoles et les rencontres au seul bar de la petite bourgade. Les habitants, des vieillards pour la plupart, font leur maximum pour donner une image de bonheur dans cette région montagneuse, quasiment isolée, aux quelques touristes qui viennent y séjourner lors des périodes de chasse.

Mais la quiétude de Bescos va être troublée. Tout du moins est-ce l’intuition de la vieille Berta, celle qui est considérée comme une sorcière par les autres villageois, lorsqu’un étranger arrive à Bescos. Douée de prémonition, elle sait que cet homme ne vient pas pour le bien de la communauté. La vieille Berta ne se sera pas trompée. Dès le lendemain, l’étranger est abordé par Mlle Prym la serveuse de l’hôtel dans lequel il est descendu pour la semaine. Il va lui révéler des choses étranges. Cet homme cacherait son identité, donnant de faux renseignements sur son compte, et souhaite faire une proposition au village. Par l’intermédiaire de Mlle Prym, un terrible chantage va être fait aux habitants de Bescos. Ils ont une semaine pour choisir et assassiner une personne en l’échange de dix lingots d’or. La communauté va-t-elle céder à la tentation et montrer sa face sombre ?


« Le Démon et Mademoiselle Prym » est un conte philosophique sur la liberté de choix et la conscience. La problématique posée dès le début de cet ouvrage pourrait se résumer à cette question : l’homme est-il bon ou mauvais ? Quelle est sa liberté dans le choix de ses actions et du chemin que prendra son destin ?

Dans un laps de temps très court, l’homme – ici Chantal Prym -  voit sa vie évoluer, surtout face à un choix crucial, entraînant des changements profonds. Chaque défi qui s’impose sur la route est là pour tester l’être humain, voir jusqu’où il peut aller pour atteindre son but, et de ce fait dans quel camp il passera. Dans ce livre, l’héroïne se débat avec sa conscience. Maintenant qu’elle sait sera-t-elle prête à rentrer dans le jeu de l’étranger ? Quel choix ? Honneur ou déshonneur ? La fortune et une vie nouvelle ou la pauvreté et rester dans cette existence morose ? Intégrité ou crime ?

Tout se bouscule, et chaque jour qui passe la met face à une option : entre le Bien et le Mal, lequel choisir… Doit-elle soumettre la proposition de l’étranger aux autres ou pas ? Un dilemme moral terrible pour Chantal Prym. Que faire dans cette situation ? Son combat intérieur nous met face à nos propres démons, nos rêves, nos désirs inassouvis et nos angoisses devant le changement.


Les choix que fera l’héroïne à l’issu de ce récit sont ceux d’un être en quête d’évolution, lorsque enfin les démons intérieurs sont vaincus et que la lumière se fait sur le chemin. Paulo Coelho nous offre cette magnifique fable et nous ouvre les yeux. La réponse est, et sera, toujours au fond de nous. Nous sommes seuls maîtres de nos destins, de nos vies. A nous de savoir faire le bon choix pour évoluer.

« Le Démon et Mademoiselle Prym » est une surprenante leçon d’humanité dont on ressort grandi. Le choix est maintenant entre vos mains.




Ed. Le Livre de Poche – 2000

“Les Clans de la Lune Alphane” de Philip K. Dick


Sur Alpha III M2 le conseil bisannuel est en pleine réunion. L’ordre du jour : un vaisseau inconnu menace de se poser sur la lune. Devant le danger de voir une invasion, les représentants des différents clans procèdent à un vote afin de décider de la marche à suivre.

Sur Terre, Chuck Rittersdorf, programmeur de simulacres pour le compte de la CIA, vient juste de se séparer de sa femme. Mary Rittersdorf, éminent psychologue et conseillère conjugale, voudrait que son époux se trouve un emploi plus rémunérant. Malheureusement, Chuck se complaît dans son emploi payé une misère. A bout de nerf, Mary va demander le divorce et faire en sorte que son époux se retrouve sur la paille, lui pompant le moindre sou sur son compte. Elle espère par ce biais produire un électrochoc sur Chuck. Mais c’est tout l’inverse qui arrive, et l’homme plonge dans une longue et pénible déchéance.

Avant de partir sur Alpha III M2 pour une mission de plusieurs mois, Mary va entrer en contact avec Bunny Hentman afin de le convaincre d’embaucher Chuck. Mais à cet instant, le programmeur commence à entrevoir la vérité. Alors qu’il est au bord du suicide, son esprit va se tourner vers le meurtre, celui de sa femme, celle qui va tout faire pour lui gâcher la vie. Quel complot se trame autour de Chuck, faisant intervenir la CIA, Mary, un fongus ganymédien et une lune du système Alpha ?


Une nouvelle fois, Philip K. Dick nous plonge dans l’univers de la folie et celui de la juxtaposition des niveaux de réalité. Mené à tambours battants, “Les Clans de la Lune Alphane” est une nouvelle belle démonstration du génie de l’auteur. Dans ce roman, Philip K. Dick nous présente un monde où les fous ont été laissés seuls. Depuis 25 ans ils se suffisent à eux même, et ont créé, selon le type de folie, des sociétés avec leurs règles, leurs cultures, leurs repaires, ... Les dépressifs fondent la ville des dépressifs (Dep), les schizophrènes celle des schizophrènes (Skitz), les paranoïaques la ville des paranos (Parnes), et ainsi de suite. Chaque civilisation étant le reflet de sa propre folie.

Dans “Les Clans de la Lune Alphane”, il met également en avant les problèmes de communications. Une grande réflexion s’empare du lecteur, le poussant à faire le point sur sa propre folie. Tous, nous possédons un degré, plus ou moins révélé, de folie. Et comme chacun possède la sienne propre, communiquer devient d’autant plus difficile. Enfin, avec cette œuvre, l’auteur met en avant sa théorie de l’empathie avec l’entrée en scène de voisins peut communs pour Chuck.

Plus encore que dans ses autres romans, Philip K. Dick explore cet univers avec cet immense hôpital psychiatrique. Chaque page recèle un argument sur ce thème : sentiment de persécution, insécurité, comportement compulsif, agressivité. Finalement, et ce fait est général dans l’oeuvre de l’auteur, il dresse le tableau de la société. Pourtant écrit en 1964, ce roman est très actuel, peut être parce qu’il présente une société malade, qui ne croit plus en rien, pour laquelle l’utopie n’existe plus. Un monde de plus en plus inquiétant et autodestructeur, à l’image de cette lune où règnent désolation et misère.


« Les Clans de la Lune Alphane » s’aborde facilement même si le contexte reste très futuriste. Je pense que n’importe quel lecteur peut se plonger dans cette œuvre qui allie réflexion et suspense. Un très bon roman pour faire son entrée dans l’univers de Philip K. Dick.



Ed. J’ai Lu - 1964

13 mars 2008

« Un Heureux Evénement » d’Eliette Abécassis


"Désormais, ma vie ne m'appartenait plus, je n'étais plus qu'un creux, un vide, un néant. Désormais, j'étais mère."


Barbara est une jeune femme heureuse. Avec son fiancé, elle enchaîne les voyages, vit une vie de bohème où le matériel n’a guère de place, tout en préparant sa thèse de philosophie. Mais un matin, elle découvre qu’elle est enceinte. L’heureux événement est là, logé dans son ventre. Barbara reste sceptique. Où se situe le bonheur lorsque l’on voit son ventre gonfler, son corps devenant celui d’une « baleine échouée » ? Où est la joie lorsque chaque jour on est prise de nausée, notre sens olfactif étant à son paroxysme ? Qu’y a-t-il d’heureux en voyant son compagnon se détacher petit à petit durant le temps de la grossesse ? Le voir prendre de la distance, puis revenir au moment de l’accouchement, assistant à l’événement avec « l’air aussi épouvanté que s’il avait vu un film d’horreur ». Cette période n’a rien d’heureux. Sur la maternité on nous cache tout, personne n’ose en parler. Ni les magasines affichant des stars enceintes jusqu’au cou, ni les mères, ni les amis, tous étant d’accord qu’un bébé c’est le plus beau cadeau pour une femme. Mais quel cadeau ! Lorsque enfin l’enfant vient au monde, pour la mère il n’est qu’un monstre d’égoïsme et d’indifférence, ne vivant que pour manger et être le centre d’attention de sa génitrice. Le bébé lui enlève toute sa liberté.


« Un Heureux Evénement » n’est pas à mettre entre toutes les mains. Eliette Abécassis y divulgue la face cachée de la maternité : gestation, cellulite, vergetures, épisiotomie, allaitement et dépression, l’auteur ne nous épargne rien. Car non, avoir un enfant ce n’est pas tout rose. Avoir un enfant c’est dire adieu à son insouciance, à sa jeunesse, voici venir le temps béni des épreuves, la mère se trouve dépossédée de sa féminité et de l’Amour. Elle devient l’esclave à part entière de son enfant. Toute sa vie sera désormais organisée selon l’enfant, sans oublier les acteurs secondaires qui noircissent un peu plus le tableau : la belle mère envahissante, les nuits blanches parce que le bébé ne veut pas dormir, la fuite de la liberté.

Le ton est acide, on sent une part de vécu à travers ces lignes.

Eliette décrit sans compromis l’univers de la maternité, déversant au fil des pages toutes ses désillusions, ses certitudes sur la perte de l’amour et la destruction du couple.

Un roman qui va à contresens de toutes les idées reçues, comme quoi il faudrait être mère pour être enfin une femme. Mais a-t-on prévenu les mères qu’en fait elles allaient être « délaissée, enchaînée par la vie », et devenir « la femme voilée qui voile ses pensées ».


« Un Heureux Evénement » offre une analyse subversive de notre société, un propos philosophique se mêlant avec la fiction, celle-ci pouvant être drôle parfois, paradoxale aussi car après tout Barbara aime sa fille. Un roman qui lève le voile et dénonce les mensonges serinés à toutes les jeunes filles concernant la maternité. Un livre très bien écrit qui pourra faire rire certaines, et en faire réfléchir d’autres. La lectrice qui n’a pas encore eu d’enfant sera peut être terrifiée, ou soulagée en étant confortée dans son choix de ne pas en avoir.




Ed. Le Livre de Poche – 2005

12 mars 2008

« Nos Amis les Humains » de Bernard Werber


« Les humains sont-ils intelligents ?

Sont-ils dangereux ?

Sont-ils comestibles ?

Sont-ils digestes ?

Peut-on en faire l’élevage ?

Peut-on les apprivoiser ?

Peut-on discuter avec eux comme avec des égaux ? »

Un certain nombre de questions que pourraient se poser les extra-terrestres.


Raoul Méliès, scientifique misanthrope, et Samantha Baldini, dompteuse de tigres, se retrouvent tout deux enfermés dans une cage… à humain. Une « humainière » pour être bien précis. Eux ne savent pas où ils sont, ni pourquoi, ni comment ils sont arrivés là. Est-ce une nouvelle émission de télé-réalité ? Un stage de survie ? Non, si ce devait être l’un ou l’autre il y aurait beaucoup plus de monde, le but étant d’éliminer les plus faibles. Pour Raoul et Samantha cette situation est totalement incompréhensible, et lorsque l’on est deux personnes si différentes, comprendre le problème alors que l’entente a du mal à se faire est d’autant plus compliqué.

Petit à petit, la cage est aménagée, comme pour des hamsters. Ils ont droit à des récompenses lorsqu’ils sont sages et font ce que l’on attend d’eux, et des punitions dans le cas inverse. Pour Raoul les choses deviennent de plus en plus claires. Ils ont été kidnappés et placés là pour être observés, peut être par des individus d’une autre planète !


« Nos Amis les Humains » se présente comme un huis clos psychologique et philosophique, écrit uniquement sous forme de dialogues. Comme pour chacun de ses livres, Bernard Werber nous met de suite dans l’ambiance. Dès que la première ligne est entamée, nous savons déjà que le livre ne sera reposé qu’une fois la dernière page tournée. Un ton léger, plein d’humour, une situation complètement surréaliste avec des personnages d’une différence exacerbée, et vous voilà partie pour une heure, une heure trente de lecture. Nous voyons les protagonistes évoluer, s’envoyer des piques, délimiter leur territoire, etc, se comporter en fait comme des animaux. Car l’homme n’est-il pas un animal, un peu plus évolué !

Bernard Werber utilise énormément l’humour dans ce roman. Nous sourions, nous rions même avec certaines répliques, mais derrière, notre cerveau analyse, se pose des questions.

Malgré l’amusement que procure « Nos Amis les Humains » nous prenons du recul, nous mettons à la place des observateurs et observons les hommes et leurs comportements les plus basiques. Encore une fois, l’auteur nous propose un nouvel angle pour la réflexion, une autre perspective pour comprendre l’humanité.


Cette histoire avait vu le jour sous la forme d’une nouvelle présente dans « L’Arbre des Possibles ». Depuis elle a, elle aussi, évolué, devenant « Nos Amis les Humains » l’ouvrage ici présenté, puis la pièce de théâtre et enfin le film « Nos Amis les Terriens ». L’humanité reste encore un vaste sujet de réflexion, surtout lorsque nous nous arrêtons un instant pour regarder où elle va.




Ed. Le Livre de Poche – 2003