13 mars 2008

« Un Heureux Evénement » d’Eliette Abécassis


"Désormais, ma vie ne m'appartenait plus, je n'étais plus qu'un creux, un vide, un néant. Désormais, j'étais mère."


Barbara est une jeune femme heureuse. Avec son fiancé, elle enchaîne les voyages, vit une vie de bohème où le matériel n’a guère de place, tout en préparant sa thèse de philosophie. Mais un matin, elle découvre qu’elle est enceinte. L’heureux événement est là, logé dans son ventre. Barbara reste sceptique. Où se situe le bonheur lorsque l’on voit son ventre gonfler, son corps devenant celui d’une « baleine échouée » ? Où est la joie lorsque chaque jour on est prise de nausée, notre sens olfactif étant à son paroxysme ? Qu’y a-t-il d’heureux en voyant son compagnon se détacher petit à petit durant le temps de la grossesse ? Le voir prendre de la distance, puis revenir au moment de l’accouchement, assistant à l’événement avec « l’air aussi épouvanté que s’il avait vu un film d’horreur ». Cette période n’a rien d’heureux. Sur la maternité on nous cache tout, personne n’ose en parler. Ni les magasines affichant des stars enceintes jusqu’au cou, ni les mères, ni les amis, tous étant d’accord qu’un bébé c’est le plus beau cadeau pour une femme. Mais quel cadeau ! Lorsque enfin l’enfant vient au monde, pour la mère il n’est qu’un monstre d’égoïsme et d’indifférence, ne vivant que pour manger et être le centre d’attention de sa génitrice. Le bébé lui enlève toute sa liberté.


« Un Heureux Evénement » n’est pas à mettre entre toutes les mains. Eliette Abécassis y divulgue la face cachée de la maternité : gestation, cellulite, vergetures, épisiotomie, allaitement et dépression, l’auteur ne nous épargne rien. Car non, avoir un enfant ce n’est pas tout rose. Avoir un enfant c’est dire adieu à son insouciance, à sa jeunesse, voici venir le temps béni des épreuves, la mère se trouve dépossédée de sa féminité et de l’Amour. Elle devient l’esclave à part entière de son enfant. Toute sa vie sera désormais organisée selon l’enfant, sans oublier les acteurs secondaires qui noircissent un peu plus le tableau : la belle mère envahissante, les nuits blanches parce que le bébé ne veut pas dormir, la fuite de la liberté.

Le ton est acide, on sent une part de vécu à travers ces lignes.

Eliette décrit sans compromis l’univers de la maternité, déversant au fil des pages toutes ses désillusions, ses certitudes sur la perte de l’amour et la destruction du couple.

Un roman qui va à contresens de toutes les idées reçues, comme quoi il faudrait être mère pour être enfin une femme. Mais a-t-on prévenu les mères qu’en fait elles allaient être « délaissée, enchaînée par la vie », et devenir « la femme voilée qui voile ses pensées ».


« Un Heureux Evénement » offre une analyse subversive de notre société, un propos philosophique se mêlant avec la fiction, celle-ci pouvant être drôle parfois, paradoxale aussi car après tout Barbara aime sa fille. Un roman qui lève le voile et dénonce les mensonges serinés à toutes les jeunes filles concernant la maternité. Un livre très bien écrit qui pourra faire rire certaines, et en faire réfléchir d’autres. La lectrice qui n’a pas encore eu d’enfant sera peut être terrifiée, ou soulagée en étant confortée dans son choix de ne pas en avoir.




Ed. Le Livre de Poche – 2005

1 commentaire:

Anonyme a dit…

Alors je préfère passer mon tour même si une pointe de curiosité me donne envie de le lire.