27 avril 2008
Evolution
25 avril 2008
« A la Croisée des Mondes – La Tour des Anges » de Philip Pullman
Lord Asriel a créé une déchirure connectant tous les mondes entre eux, il souhaite préparer une bataille sans précédent qui changera le destin de l’univers. Lyra est à ses côtés lorsque le pont est édifié. Elle va se lancer à sa poursuite et continuer ses recherches sur la Poussière.
L’intrépide enfant se retrouve dans la ville de Cittàgazze. Cela fait plusieurs jours qu’elle s’y trouve lorsqu’elle fait la connaissance de Will. Il est lui aussi à la recherche de son père, un explorateur, qui a disparu depuis douze ans. Will n’est pas de ce nouveau monde. Tout comme Lyra, il vient d’une autre dimension et a pu pénétrer dans ce royaume par une fenêtre qu’il a découverte dans une rue d’Oxford. Un Oxford si semblable et pourtant complètement différent de celui qu’a connu Lyra. Avec ce nouvel allié, elle va partir pour de nouvelles aventures. Ensemble, ils vont entamer un périple rempli de danger. Car ce monde n’a rien de paisible depuis que les Spectres, ces dévoreurs de conscience, déciment la population adulte.
Nous avions quitté Lyra sur les territoires désolés des royaumes du Nord. La jeune enfant était exténuée par le combat qu’elle avait du livrer afin de libérer les enfants et pour retrouver Lord Asriel. A la fin du premier tome nous ne savions pas vraiment vers quoi Lyra se dirigeait. Un pont permettait maintenant de traverser les mondes, nous n’en savions pas plus. Et alors que « Les Royaumes du Nord » se clôturait, nous laissions Lyra et son meilleur ami devant ce passage.
« La Tour des Anges » débute dans notre monde, à notre époque. Nous faisons la connaissance de Will, un jeune garçon à la recherche de son père John Parry, un homme qui comme Lord Asriel aurait découvert un passage permettant de se balader dans les dimensions.
Dès le début de ce nouveau tome, Philip Pullman ne ménage pas ses personnages. Will doit mettre sa mère en sûreté. Des hommes étranges ont fait leur apparition et cherchent à découvrir le secret de John Parry. Plusieurs fois ils sont entrés dans le domicile des Parry afin de découvrir des lettres, des preuves de la découverte du père de Will. L’enfant sait qu’ils ne sont plus en sécurité, il confie sa mère à son ancien professeur de piano et s’enfuit, emportant les lettres avec lui. C’est à ce moment là qu’il va découvrir la fenêtre et débarquer à Cittàgazze où il va faire la connaissance de Lyra et Pantalaimon.
Cette nouvelle histoire est captivante, pleine de péripéties, et bien plus qu’un roman d’aventure « La Tour des Anges » est le parcours initiatique des deux enfants. Ensemble ils vont devoir faire face à diverses épreuves, ils rencontreront des alliés et des ennemis, et acquérront la force nécessaire à l’accomplissement de leurs destins. Avec ce roman, Philip Pullman montre une nouvelle fois tout son talent, son imaginaire semble sans limite et nous nous laissons entraîner dans ces univers, jonglant entre les dimensions avec aisance, nous oublions très vite qu’il s’agit de mondes « enchantés » tant le monde créé par l’auteur est crédible.
Nous retrouvons avec énormément de plaisir Lyra et son daemon. Ceux-ci prennent de plus en plus de profondeur et nous en apprenons davantage sur la tâche que Lyra doit accomplir, la place qu’elle va prendre dans la guerre qui se prépare.
Avec « La Tour des Anges », Philip Pullman fait évoluer son récit, amenant de nouveaux personnages et éléments qui donnent une nouvelle dimension au cycle. Au fil des pages il va faire monter la pression, et le fardeau que portent ces enfants va devenir de plus en plus lourd. A aucun moment l’intrigue ne s’essouffle, il n’y a pas de temps morts dans cette quête, et le récit devient parfois très dur avec des scènes à la limite du supportable.
Des questions théologiques, philosophiques et aussi scientifiques viennent encore une fois jalonner le récit. Les éléments commencent à s’éclaircir et nous commençons à comprendre l’enseignement que Philip Pullman essaie de communiquer à travers ce cycle. Car « A la Croisée des Mondes » va bien au-delà du simple roman de Fantasy.
Une histoire passionnante qui s’adresse à tous les enfants, surtout celui qui est toujours au fond de nous.
Ed. Folio SF – 1997
22 avril 2008
« A la Croisée des Mondes – Les Royaumes du Nord » de Philip Pullman
Lyra vit à Jordan College, en compagnie de son daemon Pantalaimon et des Erudits. La jeune fille y a une vie ordinaire, passant ses journées à chercher l’aventure dans les rues d’Oxford en compagnie des enfants des domestiques. Mais un soir, sa vie bascule alors qu’elle s’est cachée dans la penderie du Salon. Ce lieu est exclusivement réservé aux Erudits et à leurs invités, Lyra n’a rien à faire là mais elle aime braver les interdits. Dissimulée parmi les toges du Maître, elle écoute l’exposé de Lord Asriel, son oncle, revenu des territoires du Nord. L’assemblée est suspendue à ses lèvres, tout comme Lyra, alors qu’il parle de la Poussière, une extraordinaire particule microscopique, et de l’Aurore. L’enfant est totalement subjuguée par le discours de son oncle, mais elle est loin de se douter, ainsi cachée parmi les soieries et les fourrures, qu’elle va se retrouver au cœur d’une grande aventure et d’un terrible conflit.
L’histoire de ce premier tome pourrait se passer dans notre monde, c’est d’ailleurs l’impression qui s’en dégage. Mais malgré les grandes similitudes, il s’agit d’un autre monde. Chaque personne nait et vit avec son daemon avec lequel elle est liée par un lien invisible. Le daemon est le reflet de la personnalité, de l’âme de son « propriétaire » . Puis il y a cette Poussière qui suscite tant de questions, de convoitises chez certains et d’effroi chez les autres.
Avec le cycle « A la Croisée des Mondes », Philip Pullman montre des talents exceptionnels de conteur, annihilant la frontière qu’il pouvait exister entre la littérature jeunesse et adulte. L’univers présent dès ce premier tome est étonnamment riche, empli de créatures magiques, d’ours en armure et de sorcières. Les personnages sont très vite attachants et l’auteur leur donne, avec beaucoup de brio, beaucoup de profondeur, aussi bien pour les humains que pour les daemons. Lyra et Pantalaimon sont irrésistibles et très crédibles, nous sommes rapidement séduits. Les émotions jaillissent des pages pour s’emparer de nous, et certains passages peuvent devenir insupportables émotionnellement parlant, pour peu qu’on se laisse emporter intégralement par ce roman.
« A la Croisée des Mondes » ne peut définitivement pas être abordé comme une oeuvre pour enfant, l’intrigue nous prend très rapidement et il est très difficile de lâcher l’ouvrage avant la fin. Lorsque enfin nous le refermons c’est pour nous emparer de la suite et continuer l’aventure. En plus de poser les éléments de décor pour la suite du cycle, « Les Royaumes du Nord » offre une réelle aventure avec un début et une fin dans les confins des territoires Arctiques.
Un réel esprit anime cet ouvrage qui nous emmène au-delà de la simple lecture, l’œuvre de Philip Pullman soulève de grandes questions théologiques qui seront développées au fil des tomes, chaque page renferme sa part de réflexion et de philosophie.
« Les Royaumes du Nord » est un roman enchanteur, profond, captivant, bref les qualificatifs me manquent pour parler du premier pilier d’un chef d’œuvre de la Fantasy. Philip Pullman fait preuve d’un imaginaire débordant avec cet univers très original. Un livre indescriptible à côté duquel il serait malheureux de passer si vous aimez rêver.
Ed. Folio SF – 1995
21 avril 2008
"Spirales" de Tatiana de Rosnay
Après avoir rendu visite à une amie malade, un inconnu au fort accent lui propose de le suivre chez lui. Apeurée, elle refuse. Pourtant, cette rencontre éveille sa curiosité. Quelques jours plus tard elle retourne vers le lieu de cette première rencontre. L’homme est là, il l’attend, la mène vers son appartement. Pour la première fois, Hélène trompe son mari avec un inconnu et dont elle ignore même le nom. Le cauchemar commence quand elle se rend compte que son amant d’un jour est mort, terrassé par une crise cardiaque à l’issue de leurs ébats. Prise de panique, elle s’enfuit, veillant à ne pas être vue, mais sur les lieux elle oublie son sac à main contenant ses papiers…Comment faire pour sauver ce qui peut encore l’être ?
« Spirales » est un excellent thriller psychologique à l’ambiance très Hitchcokienne, qui rappelle également « Les Diaboliques » le film de Clouzot d’après le roman de Boileau et Narcejac (le film est d’ailleurs évoqué dans le livre, sans qu’il ne soit cité explicitement).
Tatiana de Rosnay, nous propose à nouveau un thriller particulier dans la mesure où, comme dans « La Mémoire des Murs », il n’y a pas d’enquête, pas de traque d’un tueur, pas de suspects multiples. Les faits sont connus et tout le suspense repose sur l’étude psychologique de l’héroïne.
Le livre est court, les chapitres n’excèdent que rarement les trois pages. Ainsi, le rythme est soutenu, haletant, et nous sommes embarqués avec Hélène dans cette spirale infernale que rien ne semble devoir arrêter. Le tourbillon des évènements est inexorable, implacable.
La tension repose sur la rupture brutale du quotidien de l’héroïne à laquelle on s’attache vraiment. Cette mécanique tellement bien huilée est soudainement grippée par un grain de sable. La rencontre avec cet inconnu réveille une partie d’elle qu’elle croyait ne pas ou ne plus exister. Hélène s’est totalement effacée au bénéfice des autres en pardonnant même à son mari quelques errances et c’est pour épargner ce dernier qu’elle s’est enfuie sans appeler les secours.
Entraînée dans un engrenage infernal, elle découvre également que, bien que dévouée depuis des années à tout son entourage, elle n’a personne à qui se confier. Personne ne remarque le trouble et l’angoisse qui l’habitent.
En très peu de pages, Tatiana de Rosnay prouve de nouveau qu’il est possible de décrire une héroïne très attachante, car véritablement ancrée dans un quotidien que l’on comprend, et de proposer une histoire simple mais très prenante au suspense intense. Difficile de ne pas être touché par cette femme qui lutte seule comme un capitaine perdu au cœur d’une tempête à bord d’un frêle esquif, alors que son équipage est lui bien au chaud dans un port tout proche de là…
Ed. Pocket - 2004
20 avril 2008
“Les Ames Vives” de Daniel Angelo
En cette journée du 2 avril 2009, Richard Avon était loin de se douter que sa vie prendrait un virage sans précédent. Juché sur un vieux seau, il offre son spectacle de mime comme chaque jour. A ses côtés, un duo atypique. A peine Richard pose-t-il les yeux sur la jeune fille qu’il tombe littéralement sous son charme. Il a face à lui l’incarnation vivante de Néfertiti. Une apparition divine qui assiste un orateur pittoresque. L’homme tronc focalise et détourne l’attention de la foule en parlant des légendes du lieu.
Cette journée tranquille va se voir perturbée par l’intrusion d’un groupe de motards. Sans complexes, ceux-ci viennent s’en prendre à l’étrange tandem. La frêle jeune femme, se métamorphosant en ninja sous les yeux ébahis de Richard, aura tôt fait de mettre à mal ces agresseurs.
Honteux de n’avoir fait montre d’aucun courage, Richard va leur proposer son aide. Mais sait-il qu’il va s’embarquer dans une bien mystérieuse odyssée ?
Avallon, le mardi 11 septembre 1967. Christian Franzen va fêter ses 7 ans. Son père a posé une permission spéciale pour l’événement, et offrira à son jeune fils un briquet Zippo U.S. Army. Christian est heureux car il pourra ainsi lire ses BD en cachette.
Dans quelques heures Christian aura 7 ans, et il n’a encore tué personne...
Dans son premier roman, Daniel Angelo nous avait offert une histoire prenante, une intrigue haletante dans les rues de Séville sur les traces d’un tueur en série. Avec “Les Ames Vives”, il nous plonge dans un Road Movie rempli de mystère, à la recherche du Saint Graal.
Deux histoires qui finissent par s’imbriquer. D’un côté le parcours initiatique de Richard et de ses deux compagnons de route, Milo l’homme tronc et Nina jeune adolescente à la beauté troublante. De l’autre, l’itinéraire de Christian et sa montée progressive dans le meurtre.
L’aventure nous emmène de Glastonbury à la forêt de Brocéliande, puis à Bordeaux pour arriver enfin dans l'Ariège où aura lieu un duel sans précédent. A chacune des étapes nous en apprenons un peu plus sur le mystère qui entoure Milo et Nina. Celle-ci disparaît dans chaque nouvelle ville sous prétexte d’un rendez-vous. Mais qui Nina doit-elle rencontrer à chacun de ces arrêts ? Que cachent Milo et Nina à Richard ? Et pourquoi se trouve-t-il embarqué dans ce périple ? Si seulement il avait la curiosité de leur demander. Richard n’est pas d’un naturel curieux, mais même leurs origines lui sont inconnues. Dans le même temps, nous faisons des sauts dans le temps en suivant la vie de Christian balisée par les cadavres qu’il laisse derrière lui.
“Les Ames Vives” est bien plus qu’un thriller. Daniel Angelo a su mêler avec brio le polar, le fantastique et les légendes arthuriennes. Des mythes présents aussi bien en Angleterre qu’en France. Ce roman est prenant dès les premières lignes jusqu’à la dernière page. L’intrigue est très bien menée, avec un rythme trépidant et une écriture sachant amener des références très actuelles. Je n’ai pu m’empêcher de sourire en trouvant disséminées des clins d’oeil à des séries ou films contemporains.
Avec cette oeuvre très originale, Daniel Angelo offre une nouvelle preuve de son talent. “Les Ames Vives” ouvre les portes d’un nouveau style de thriller, offrant un univers empli de mystère et de légende.
Ed. Timée-Editions - 2008
"Le Pèlerin de Compostelle" de Paulo Coehlo
Le rituel prévoit l’enfouissement de son ancienne épée, le bois et l’acier peuvent alors retourner à la terre. A l’instant où il doit se saisir de sa nouvelle épée, son Maître l’en empêche avec violence. Il a péché par orgueil, par avidité. Il va devoir cheminer à la recherche de cette épée qui devait lui être remise généreusement. Il lui faudra la chercher « parmi les hommes simples ». La quête sera longue, en compagnie de son guide Petrus, il devra emprunter une vieille route médiévale en Espagne, le chemin de Saint-Jacques-de-Compostelle.
Le premier roman de Paulo Coehlo nous invite sur la route de Saint-Jean-Pied-de-Port vers Saint-Jacques-de-Compostelle en passant par Roncevaux, Santo Domingo, León ou El Cebrero. Cette route est le troisième chemin sacré du christianisme. Le premier conduit les pèlerins vers le tombeau de Pierre à Rome, le second les guide jusqu’au Saint Sépulcre à Jérusalem et donc le dernier les mène vers les reliques de l’apôtre Jacques en terre ibérique.
Il n’est nul besoin de partager les croyances du héros ou d’être un catholique pratiquant pour vivre pleinement ce voyage initiatique. L’écriture simple de Coelho est là pour nous guider, nous aider à partager les questionnements, les combats et les bonheurs de Paulo. Le chemin de ce dernier est marqué par différentes étapes où, au travers d’exercices et de rituels, il apprend à progresser vers son objectif. L’auteur a choisi d’accorder à chaque enseignement une page et de laisser ainsi au lecteur la possibilité de connaître dans le détail et pouvoir reproduire à son tour l’Exercice de la Semence, l’Exercice de la Vitesse, l’Exercice de la Cruauté, le Rituel du Messager, l’Exercice de l’Eau, le Rituel du Globe Bleu, l’Exercice de l’Enterré Vivant, le Souffle de RAM, l’Exercice des Ombres, l’Exercice de l’Audition et l’Exercice de la Danse. Si certains sont parfaitement « réalisables » et « applicables » dans notre vie quotidienne d’autres sont beaucoup plus « mystiques ». Paulo apprend ainsi à se libérer des charges quotidiennes qu’il a lui-même créées, à découvrir des secrets que la routine quotidienne nous empêche de voir, à transformer une douleur spirituelle en une douleur physique afin de comprendre le mal qu’elle peut nous faire ou à appeler, connaître et converser avec son Messager (ou démon) personnel nommé Astrain.
Son long voyage, marqué par ces différents exercices est également l’occasion d’épreuves tout aussi physiques que symboliques : remonter à mains nues une paroi le long de laquelle une chute d’eau « tombe à grand fracas », lutter contre un chien qui croise régulièrement sa route ou vivre sa propre mort.
« Le Pèlerin de Compostelle » est né du véritable voyage de Paulo Coehlo. Difficile donc de faire la part des choses entre réalité et fiction. Ce qui est certain, c’est qu’il s’agit d’un livre plein de poésie, de mysticisme et de spiritualité. Il nous renvoie à nos propres questionnements. Menons nous le Bon Combat ? Sommes nous prêt à éprouver l’Agapè, cet Amour qui dévore, « qui transforme en poussière toute tentative d’agression » ?
On ne sort pas indemne d’un tel livre, on rêve à notre tour d’avoir un guide nous menant vers notre propre épée, un Petrus nous enseignant des rituels pouvant nous accompagner dans notre recherche d’accomplissement personnel…Et si ce guide, c’était tout simplement ce livre…
Ed. Le Livre de Poche (1987)
16 avril 2008
“L’Evangile Selon Satan” de Patrick Graham
An de Grâce 1349, la grande peste noire décime l’Europe mais un autre mal rôde, laissant de nombreuses victimes dans son sillage.
Mère Yseult de Trente, la supérieure du couvent des Augustine de Bolzano, entre en possession d’un manuscrit apocryphe. Un Evangile caché depuis des siècles chez les Recluses. Ce que la mère Yseult ignore, c’est qu’en faisant entrer l’ouvrage dans ses murs elle invite dans le même temps le mal absolu. L’enfer va s’introduire dans le couvent et massacrer nuit après nuit chacune des soeurs, les crucifiant puis les marquant des signes du Diable. Elle ne trouvera le salut qu’en s’emmurant vivante avec l’Evangile. Personne ne doit le récupérer.
2006, Hattiesburg est le théâtre d’étranges disparitions. Alors qu’elle enquête sur cette affaire, Rachel, l’assistante du shérif, disparaît à son tour. Alarmé, le shérif s’en remet à Marie Parks, profileuse au FBI possédant des dons de visions, pour retrouver Rachel. A l’aide de ses transes, Marie retrouve la jeune femme affreusement mutilée, ainsi que les corps des quatre disparues, toutes crucifiées dans une crypte.
Au même moment, au Vatican, le cardinal Camano apprend que les victimes retrouvées à Hattiesburg sont en fait les quatre religieuses qu’il avait envoyé en mission aux Etats-Unis, afin d'enquêter sur la vague meurtrière qui touche l’ordre des Recluses. Il confie à son meilleur exorciste, le père Carzo, la mission de retrouver et de ramener l’Evangile disparu depuis le XIVe siècles.
Un livre rédigé après la mort du Christ, contenant un lourd secret, convoité par le Mal et protégé par le Bien, pourrait ébranler les fondements du christianisme. Ce livre c’est l’Evangile selon Satan.
Dès les premières pages nous sommes pris dans l’intrigue, Patrick Graham ne nous épargne pas et nous fait vivre ces nuits d’angoisses et de carnages dans le couvent de Bolzano. Aucun détail n’est laissé au hasard, et au bout de quelques pages nous nous approprions les personnages, vivant en même temps qu’eux les différentes péripéties de cette histoire. Nous nous retrouvons emmuré avec mère Yseult pour vivre ses derniers instants, puis nous basculons dans la peau de Marie, ressentons ses visions et ses peurs dans cette enquête diabolique. Nous sommes entraînés aux quatre coins de la planète, des profondeurs de la jungle Amazonienne, aux Alpes, en passant par les Etats-Unis jusqu’au Vatican où un sombre complot se trame.
L’écriture est rapide, les chapitres courts mais très denses, et d’une simple intrigue policière nous basculons très vite vers une histoire fantastique dans le style de “Constantine” (film de Francis Lawrence) avec son lot de possessions démoniaques et de transes.
Malgré tout, ce thriller reste loin de la lutte éternelle entre le Bien et le Mal. Dans “l’Evangile selon Satan” les personnages sont souvent sur la brèche et chacun bascule à l’un ou l’autre moment dans un camp puis dans l’autre.
Avec une intrigue bien menée, très prenante, “l’Evangile selon Satan” ravira les amateurs de thriller ésotérique. Surfant sur la vague du genre, ce roman s’en démarque fortement en abordant un thème beaucoup plus original que le secret entourant Marie Madeleine.
Quel secret renferme l’Evangile maudit ? Pour le savoir je vous invite à lire le premier roman de Patrick Graham.
Ed. Anne Carrière - 2007
15 avril 2008
"Je suis une Légende" de Richard Matheson
Il est toujours hanté par le souvenir de sa femme et de sa fille et quand le désespoir est trop grand il le noie dans des bouteilles de whisky. Pourtant, malgré sa solitude, les attaques incessantes, la douleur qui le ronge, Robert Neville cherche à comprendre la source de ce fléau. Il se pose des questions. Pourquoi cet attirail ancestral (pieux, ail, croix) est-il efficace ? Un vampire musulman a-t-il peur de la croix ? Pourquoi est –il immunisé ? Y’a t’il une explication scientifique et rationnelle concernant le vampirisme et les moyens de le combattre ?
Chaque jour est un combat pour celui qui va devenir une légende…
Le roman de Richard Matheson fait partie de ces ouvrages dits « cultes » de la littérature de science fiction, et ce titre n’est pas usurpé ! Le cinéma ne s’y est d’ailleurs pas trompé en l’adaptant à trois reprises (« The Last Man on Earth » avec Vincent Price, « The Omega Man » avec Charlton Eston et enfin « I am Legend » avec Will Smith en 2007).
En ce qui concerne la dernière adaptation, la trame générale est respectée mais certaines libertés sont prises par rapport à l’œuvre originale. On note notamment que l’infection y est causée par un virus créé par l’homme et surtout que la fin est beaucoup plus optimiste et moins forte que celle du roman.
Mais revenons à ce dernier. Si au premier abord, on peut s’attendre à une énième histoire de chasseur de vampires, le traitement du sujet proposé par Matheson est particulièrement original. Dans l’urgence et pour assurer sa survie, le héros utilise dans un premier temps les remèdes connus et faisant partie de l’inconscient collectif. Peu à peu il veut comprendre les mécanismes de transmission et essaye de faire la part des choses entre les vérités scientifiques et culturelles. Si le vampire est une cause « virale », peut être existe-t-il un vaccin.
Si on note quelques passages faisant preuve d’humour (le questionnement sur le principe actif de l’ail par exemple) le ton général est très sombre, pessimiste, voire désespéré. Grâce à quelques flash back, nous revivons ses derniers instants avec sa femme contaminée, sa volonté de lui faire échapper à la fosse commune, ou plutôt le brasier commun. La solitude du héros est réellement palpable, son quotidien est beaucoup moins idyllique que celui de Will Smith. Si ce dernier avait le temps de taper quelques balles de golf, le Robert Neville du roman doit combattre ses pulsions face aux femmes qui n’en sont plus mais qui ont conservé des formes réveillant l’homme que lui est resté. Cette lutte contre lui-même humanise encore plus le héros.
Le final concocté par Matheson est tout simplement surprenant et d’une puissance émotionnelle rare. On assiste médusé à la naissance véritable de la « légende » dans des circonstances que l’on ne soupçonnait pas encore 10 pages auparavant.
Ed. Folio SF - 1954
11 avril 2008
"Serpentine" de Mélanie Fazi
Serpentine
Ils sont cinq tatoueurs travaillant avec des encres particulières appelées Mnémosyne, Somnifuge, Nocturne ou Onirographe. Chacun possède un art qui lui est propre et exige que chaque client livre l’histoire qui précède le motif. Ils œuvrent ensemble pour aboutir à un but commun.
Joseph est le nouveau client de Nikolai. Il vient pour la « spéciale »…
« S’il te plaît, dessine moi une pulsion »
Elégie
Les jumeaux de Déborah ont disparu depuis deux ans. Son mari a fait son deuil.
Déborah sait où ils sont. Elle les devine à deux pas de sa maison, sur la colline. Elle veut les rejoindre, devenir comme eux, se fondre dans "celui" qui les a enlevés...
Nous reprendre à la route
Anouk se retrouve seule dans une aire d’autoroute. Le car qui devait la mener à Strasbourg est mystérieusement parti sans elle. Elle y découvre d’autres abandonnés de la vie. Et si tous n’étaient pas là par hasard ?
Rêves de cendre
Bérénice, sept ans, observe les flammes qui crépitent et dansent dans la cheminée. Peu à peu elle voit un oiseau. Son bec crache des volutes de fumées, ses plumes de feu ont des couleurs changeantes. Sa mère a juste le temps de la retirer des flammes : voulant caresser l’oiseau sa manche s’est embrasée...En lui sauvant la vie, maman a fait fuir l’oiseau…Marquée à vie par les cicatrices, Bérénice est pourtant prête à tout pour revoir le phénix…
Matilda
C’est le grand soir pour la fan de Matilda Cross. Après des années de silence, la star refoule enfin les planches. Sa prestation est bouleversante, mais quelles blessures cache t’elle ? Matilda a besoin d’être aidée, mais jusqu’où ses fans sont ils prêts à aller ?
Mémoires des herbes aromatiques
La Taverne de Colchide, est un restaurant grec tenu par Circé aidée par sa nièce Médée. Un des clients du jour n’est pas un inconnu. Il s’agit d’Ulysse qui va découvrir la cuisine de celle qui a changé ses compagnons en pourceaux il y a quelques siècles…
Petit théâtre de rame
4 destins se croisent sur cette ligne de métro. Il y a le photographe urbain qui capte des instants fugitifs de vie, l’adolescente qui mène sa petite sœur dans un sac porte-bébé vers un bien étrange ordalie, une chanteuse qui fait la manche dans les wagons et essaye de toucher les gens par la seule force de sa voix et enfin le sdf, le rebut de la société accompagné par son chien. Pourquoi certaines personnes ne le voient il pas ? Pourquoi l’ado l’a-t-elle vu tuer des rats avec des clous qui jaillissaient de ses mains ?
Le faiseur de pluie
Les vacances promettaient d’être belles et pourtant depuis des jours un véritable déluge s’abat sur cette région d’Italie. Les cousins Ingrid et Noël doivent apprendre à passer le temps dans cette grande maison qui appartenait à la grand-mère, la Nonna, décédée il y a peu. Leur ennui est rompu par l’apparition d’un étrange esprit…
Le passeur
Anton, un peintre, grave sur tous les ponts de la ville le prénom de sa muse, Rebecca. Puis il l’écrit à la craie, à la peinture sur les murs urbains. Les parents de Rebecca la fugueuse ne sauront jamais ce qu’est devenu leur fille…
Ghost Town Blues
Noah Weiland fait étape dans la ville fantôme Copeland Falls. Dans le saloon, il y rencontre un trio de joueurs de pokers dont fait partie Norma Lee. Subjugué par la belle, il accepte de partager leur table pour quelques parties. Si l’enjeu n’est pas l’argent, quel est il ?
Serpentine avait déjà fait l’objet d’une première publication aux Editions de l’Oxymore en 2004. Cette réédition chez Bragelonne devrait permettre de (re)découvrir ces dix nouvelles qui nous emmènent vers des destinations, des horizons et des époques très différentes.
C’est cette diversité de temps et de lieux qui constitue la première réussite de ce recueil. Le lecteur découvre tour à tour un cabinet de tatouage, une aire d’autoroute, une salle de concert, un restaurant, une ligne de métro ou un saloon. Chaque étape de ce voyage au pays de l’étrange et de l’imaginaire est différente de la suivante mais aussi de toutes celles que l’on a pu faire avec d’autres capitaines de croisières. A aucun moment le sentiment d’être déjà venu hanter ces lieux ne nous habite.
Paradoxalement, malgré cette diversité, Serpentine possède une véritable unité. Les dix histoires font toutes référence peu ou prou à la mort. La mort comme conséquence, la mort comme alternative, la mort compagne de la souffrance, la mort comme exutoire…
Malgré la noirceur, malgré les fantômes, malgré les ombres, malgré la mort qui rode, malgré le malaise que peuvent provoquer certaines histoires, le ton général n’est pas désespéré. Nous ne sommes pas dans un livre gothico - dépressif. Mélanie Fazi possède une réelle originalité dans son écriture, simple, poétique et envoûtante.
Contrairement à d’autres recueils ou se côtoient le meilleur et parfois le pire, chacune des nouvelles est indispensable et chacune devrait rencontrer « son public ». Pour ma part, ce sont « Serpentine », « Rêve de Cendre » et surtout « Matilda » qui m’ont totalement conquis. Dans cette dernière, il suffit de quelques pages pour retrouver le lien si particulier qui peut unir une star avec son public, l’angoisse de l’attente avant un concert qui devient un lieu de communion.
Grâce à la qualité de son écriture et l’originalité de chaque histoire, « Serpentine » trouve sans rougir sa place dans la galerie des grands recueils de nouvelles, quelque part entre « Brumes » de Stephen King et « Les Histoires Extraordinaires » d’Edgar Allan Poe.
Ed. Bragelonne - 2008
10 avril 2008
« Ganesha – Mémoires de l’Homme Eléphant » de Xavier Mauméjean
« Je suis Ganesha, le dieu éléphant, et les horreurs du monde savent trouver ma maison. »
Enfermé dans sa chambre de l'hôpital de Whitechapel, Joseph Merrick écrit ses mémoires. Entre réflexions et morceaux de la vie de Londres, il consigne et analyse. L’isolement dans lequel il se trouve depuis quelques temps, lui permet également de prendre part à certaines enquêtes.
Il n’a pas encore trente ans, et dans sa chambre il vit sa dernière année. Quatre saisons qu’il va observer, attendant la fin, voyant le mal le ronger toujours un peu plus. Quatre affaires qu’il va mener depuis son refuge en cette fin de XIXe siècle, aidé de ses deux amis, Jackal et Wassendack. Il est Ganesha, le dieu éléphant et “le monde s’efface dans les rêves de l’éléphant...”
Qui est réellement Joseph Merrick ? Le livre de Xavier Mauméjean nous propose de plonger dans l’univers de l’homme éléphant. L’ouvrage est écrit comme un journal dans lequel Joseph Merrick jette pelle mêle ses pensées sur le monde, sa vie à l'hôpital, son enfance et les éléments rapportés sur les enquêtes auxquelles il prend part. Au fil de la lecture nous entrons dans l’intimité de Joseph. Il nous livre ses points de vues sur la société londonienne à travers ses relations avec certaines personnalités mondaines, retranscrit quelques uns des courriers qui lui parviennent, mais le plus important reste son cheminement dans des enquêtes obscures. Depuis sa chambre, Joseph devient le nouveau Sherlock Holmes, élucidant les affaires sur la seule base des faits et des quelques indices rapportés par Jackal et Wassendack.
“Ganesha - Mémoires de l’Homme Eléphant” se découpe en quatre parties. Chacune représente une saison dans la vie de Joseph, et chacune est le réceptacle d’une affaire. Les chapitres courts, écrits à la première personne, rendent la lecture aisée. Malgré des pensées très diverses et des références à la religion hindouiste pouvant déstabiliser, le fil conducteur reste prédominant, s’articulant autour des meurtres et disparitions mystérieux, perpétrés dans ces jours sombres de fin de XIXe siècle. De plus, les allusions du héros suffisent à nous faire comprendre qui sont Mûshika la souris et Ankusha. Nul besoin d’être un érudit pour apprécier le roman.
“Ganesha - Mémoires de l’Homme Eléphant” est une histoire passionnante et troublante. Le cadre, l’époque et les événements tragiques qui se sont déroulés auparavant dans la capitale anglaise, plantent dès les premières lignes le décor, lui conférant une atmosphère oppressante et une certaine noirceur.
Un livre où la frontière entre fiction et biographie est très vite oubliée. Nous oublions rapidement le monstre de foire pour découvrir l’homme qui se cache sous les difformités.
Récompensé en 2000 lors du Festival de Gerardmer, “Ganesha - Mémoires de l’Homme Eléphant” a déjà conquis un large public. Vous laisserez-vous aussi envoûter par le dieu ?
Ed Mnémos - 2000
3 avril 2008
"Descendance" de Graham Masterton
Anvers 1944. Depuis son débarquement en Normandie, James traque les Stigoï et les élimine. Pourtant, le redoutable Dorin Duca lui échappe.
Bruxelles 1945. James reçoit un télégramme lui annonçant la mort de sa mère. Il doit rentrer aux Etats Unis. Sa guerre est terminée…Pour l’instant.
New Milford 1957. Deux officiers du MI6 lui demandent de revenir en Europe. Ce qu’ils lui révèlent concerne Dorin Duca, mais aussi sa mère…Aidée par la sublime Jill Foxley, il commence une nouvelle traque.
Graham Masterton aime apporter sa propre vision de religions anciennes, de légendes ou proposer une relecture de romans célèbres. Avec « Descendance » il s’attaque avec succès au mythe du vampire et au Dracula de Bram Stoker.
Le rythme est très soutenu, les chapitres courts, le livre se dévore à pleines dents !
Masterston, sans livrer son meilleur roman, prouve s’il en était encore besoin, qu’il demeure un maître de la littérature d’horreur. Sans quasiment jamais utiliser le mot « vampire », il réussit le tour de force de nous étonner encore avec une histoire qui pourrait sembler n’être qu’une énième resucée de Dracula.
« Descendance » fourmille d’idées et de détails apportant du « sang » neuf : l’utilisation des Strigoï par les nazis pour détruire la résistance, les chiens limiers affublés d’une paire d’yeux supplémentaires peintes sur leur tête et qui aident à la traque des Strigoï, les modalités de destruction de ces derniers. On découvre ainsi pourquoi la mallette de Falcon contient une bible à la couverture sculptée dans du frêne, un crucifix en argent, une flasque d’huile bénite, des menottes en argent pour pouces et gros orteils, un fouet constitué de fils d’argent tressés, une scie chirurgicale, un flacon de grains de moutarde, deux petits pots de peintures.
Si le roman reprend les grandes lignes de Dracula (par exemple, la traque rappelle celle de Van Helsing et on retrouve un vampire marqué par la perte de sa bien aimée), il s’en démarque aussi par son traitement. Le roman s’étire sur plusieurs décennies et surtout il s’attache plus à nous faire découvrir l’homme qui se cache derrière l’impitoyable chasseur de Strigoï. Au fil du livre, on découvre son histoire, ses origines et on comprend mieux sa motivation. Enfin, déjà bluffé par l’histoire, Masterton nous achève avec ce final surprenant, qui vous prend aux tripes et qu’on ne pouvait soupçonner…
Ed. Bragelonne - 2008
2 avril 2008
« Othon ou l’Aurore Immobile » de Nicolas d’Estienne d’Orves
Que s’est-il passé ce matin du 14 juin 2012, à 5h51 très précisément ? Pourquoi les vieillards sont-ils devenus, pour la plupart, des délinquants et des terroristes ? Pourquoi la peine de mort a-t-elle été rétablie, les exécutions rendues publiques et diffusées massivement sur les téléviseurs français, assouvissant l’engouement morbide du peuple ? Pourquoi le gouvernement a-t-il fait adopter une loi anti-natalité obligeant chaque foyer à n’avoir qu’un seul enfant ? Pourquoi l’Histoire est-elle devenue la seule science et le seul centre d’intérêt pour toute la nation ? Pourquoi les voyages vers les pays étrangers sont-ils maintenant impossibles ? Pourquoi le pays vit-il sous la lueur d’un « soleil de minuit » ? Figé lors de son ultime levé pour l’éternité, l’astre solaire ne traversera-t-il plus jamais le ciel ?
Enfin, pourquoi Etienne Bressoud, assistant correcteur dans une grande maison d’édition, se voit-il investi d’une mission d’importance ? Ecrire la biographie d’Othon Athanaric Sempronius, chef de l’Etat incontesté depuis des années…
Premier roman de Nicolas d’Estienne d’Orves, « Othon ou l’Aurore Immobile » est un petit bijou de science-fiction. Basée dans un futur proche, l’histoire nous présente une France bouleversée par un événement irrémédiable, ayant entraîné des conséquences troublantes pour le pays et sa population, la divisant pour les années à venir en castes ; d’un côté les permanents, de l’autre les évolutifs. En même temps qu’à Etienne, l’auteur nous offre un petit cours d’histoire. Nous remontons à ce moment où Othon Sempronius apprend que quelque chose va se passer. Quelque chose de terrible, un grand bouleversement qui va changer la vie aussi bien dans notre pays qu’à l’étranger, mais là avec des résultats encore plus effroyables. A travers les propos du chef de l’Etat, les événements nous sont révélés, répondant aux diverses questions que nous pouvons nous poser sur l’évolution de la vie, tout en créant d’autres troubles. Les réponses amenant d’autres questions et ainsi de suite. Mais la question la plus déstabilisante, celle à laquelle nous n’arrivons par à apporter de réponse ni même un semblant de supposition, est pourquoi Etienne semble tant intéresser Othon et sa fille Ovidia ? Que cachent-ils ? Car les pensées et les objectifs de ce duo énigmatique, restent camouflés derrière un brouillard impénétrable. Est-ce seulement une sorte de paranoïa qui s’empare d’Etienne ou Othon et Ovidia ont-ils réellement des intentions mystérieuses à son endroit ?
Tant de questions dont nous sommes assaillis durant toute la lecture de ce roman.
« Othon et l’Aurore Immobile » est un roman très prenant, d’une grande originalité, jouant sur l’illusion, plongeant aussi bien ses personnages que le lecteur, tantôt dans le monde réel, tantôt dans l’irréalité, la frontière entre les deux s’amenuisant de plus en plus au fil des pages. Entre temps imaginaire, figé et temps réel tel que nous le connaissons, la confusion s’installe ne nous lâchant plus, même lorsque nous refermons ce livre. Ce jeu de dupe n’est-il pas déjà en train de se dérouler ? Qu’est-ce qui est réel finalement ?
Ed. Le Grand Cabinet Noir – 2002
1 avril 2008
« Le Bois de Merlin » de Robert Holdstock
Au loin, l’orage gronde, mais Martin n’en a cure. Il suit la charrette qui transporte sa mère vers sa dernière demeure. Rebecca n’est pas là. Elle était pourtant devenue la favorite, celle sur qui Eveline déversait son affection après la mort de Sébastien. Revenu pour accompagner sa mère dans ce dernier voyage, plus rien ne retient Martin à Brocéliande. Eveline l’a d’ailleurs prévenu dans sa dernière lettre « Je n’aurai pas besoin de toi à la ferme lorsque je partirai finalement pour le dernier voyage. Il serait préférable que tu évites le danger et que tu restes dans la ville où tu t’es construit une si belle existence. » et Martin n’a pas l’intention de s’installer à Brocéliande, le lieu renferme trop de souvenirs douloureux. Il ne restera que quelques jours afin de régler les questions administratives.
Quatre jours après l’enterrement, Martin aperçoit une silhouette accroupie devant la tombe. C’est Rebecca, elle regrette d’être arrivée trop tard mais son retour au pays la comble de joie. Les chants et la verdure lui manquaient. Le retour de sa “sœur”, jeune fille fragile adoptée par Eveline avant la perte de son plus jeune fils, va changer beaucoup de chose pour Martin. Finalement il décide de rester avec elle, s’installant ensemble à la ferme avec l’espoir de fonder une nouvelle famille.
La forêt de Brocéliande cache un terrible secret. Dans ces bois il est un lieu où la magie prend sa source. Un endroit où le temps n’est plus réel, passé et présent se mêlant. Une clairière où la fée Viviane a enfermé, en des temps reculés, Merlin.
De l’union de Martin et Rebecca va naître un enfant. Malheureusement l’enfant vient au monde sourd et aveugle. Mais l’influence de la forêt est là. En grandissant, les sens de Daniel vont miraculeusement se développer, tandis que ceux de Rebecca s’amenuisent de plus en plus. Qu’est ce qui relie la famille Laroche au conflit entre les deux magiciens ? Quel est ce sortilège qui s’acharne sur Rebecca et Daniel ?
« Le Bois de Merlin » se compose de trois parties. Trois histoires sur le thème de la magie et de la « subtilisation du pouvoir » : les enfants qui s’accaparent l’espace d’un instant la magie des fantômes qui circulent sur le chemin ; le petit Daniel qui petit à petit se nourrit de la magie de sa mère, lui volant ses sens ; Viviane qui depuis des temps immémoriaux poursuit Merlin, cherchant à s’approprier les enchantements du magicien. Trois histoires déroutantes emplies de tromperie, de ruse, d’illusion, des moments pleins de magies mais aussi de destruction.
« Le Bois de Merlin » c’est un monde qui aurait pu, potentiellement, exister si les anciennes croyances n’avaient pas été oblitérées par le christianisme. Ce roman, racontant l’histoire d’une famille contemporaine, se situe sur la brèche entre le monde que nous connaissons et celui des mythes. Au fil de l’intrigue, l’auteur revisite la légende de Merlin, l’ancre dans notre quotidien, et donne ainsi une autre dimension à ce mythe et au mystère qui entoure la forêt de Brocéliande.
« Le Bois de Merlin » c’est aussi une histoire de possession et de meurtre. Robert Holdstock transpose un conflit vieux de plusieurs siècles dans une famille tout ce qu’il y a de plus normal. Faisant s’abattre la terreur et la douleur sur trois personnes. Un drame va se produire, généré par la convoitise.
« Le Bois de Merlin » c’est enfin une réflexion sur le besoin de savoir, ce besoin d’assouvir absolument notre curiosité, qui peut entraîner des conséquences pouvant se répercuter à travers le temps.
Prenant appui sur la légende de Merlin et de la fée Viviane, Robert Holdstock ne fait ni plus ni moins qu’une critique de l’homme.
Convoitise, envie, possession, subtilisation, sont des thèmes qui se rapportent à la nature profonde de l’être humain, et durant toute la lecture nous sommes renvoyés en nous-même.
« Le Bois de Merlin », alliant fantasy, mythe et réalité en s’inscrivant dans notre époque, est un conte empli de noirceur. Laissez-vous happer par les bois enchantés de Brocéliande et laissez le charme agir. Un terrible secret se cache dans la clairière au-delà du lac...
« Les vents étaient paisibles, bien qu’orage approchât.
Au cœur de Brocéliande, dans les sauvages bois,
Devant un chêne creux, ancien, démesuré,
Semblable à une tour de lierre érigée,
La rusée Viviane s’était installée :
Aux pieds de Merlin, elle était allongée… »
Ed. Le Livre de Poche – 1994